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Pour comprendre l’origine des normes ESRS, il faut remonter à la publication, le 16 décembre 2022, de la nouvelle directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive - Directive sur les rapports de durabilité des entreprises). En application de cette nouvelle directive, 50 000 entreprises européennes devront à terme communiquer des informations sur leur performance extra-financière à l’aide d’indicateurs fiables et selon des standards normés.
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Pour ce faire, la directive CSRD prévoit la création de standards européens de reporting de durabilité, communément appelés normes ESRS (pour European Sustainability Reporting Standards) établissant le cadre et le contenu à respecter pour les reportings de durabilité des entreprises. Ces normes doivent être adoptées progressivement par actes délégués de la Commission Européenne :
Le travail d’élaboration des normes ESRS a été confié à l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group - Groupe consultatif européen sur l’information financière). En novembre 2022, l’EFRAG a communiqué à la Commission Européenne un “premier jeu” (Set 1) de normes universelles. Après une révision opérée par la Commission Européenne et l’organisation d’une consultation publique, ce premier jeu de normes ESRS a été publié le 31 juillet 2023 par acte délégué de la Commission Européenne.
Les nouvelles normes ESRS répondent aux objectifs poursuivis par la directive CSRD :
Elles visent avant tout à pallier le manque d’informations sur la durabilité communiquées par les grandes entreprises afin de répondre aux attentes toujours croissantes de leurs parties prenantes (consommateurs et clients, investisseurs, citoyens, régulateur…).
Ces nouvelles normes aideront également les investisseurs à se conformer aux obligations déclaratives auxquels ils sont eux-mêmes soumis en vertu notamment du règlement SFDR et de la nouvelle Taxonomie européenne.
En résumé, les normes ESRS viennent compléter et préciser la nouvelle réglementation européenne CSRD. Elles visent à établir le langage commun à respecter par les entreprises dans le cadre du reporting de durabilité.
Les normes ESRS complètent la nouvelle directive CSRD. Elles s’appliquent donc à l’ensemble des entreprises concernées par la directive, à savoir :
En pratique, les normes ESRS concerneront près de 50 000 entreprises dans l’Union Européenne.
Le premier jeu (Set 1) de normes ESRS, publié le 31 juillet 2023, établit les normes universelles qui ont vocation à s’appliquer aux entreprises de tous les secteurs d’activité. Ces normes se fondent sur les trois piliers de la Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) et comportent :
Chaque norme (à l’exception de l’ESRS 1) comprend un certain nombre d’exigences de divulgation (Disclosure Requirements - Exigences de publication) qui précisent les différentes données qui doivent être communiquées dans le reporting de durabilité. Au total, 82 exigences de divulgation sont établies (toutes normes confondues).
Exemple : la norme ESRS E1 sur le changement climatique comprend 9 exigences de publication (DR) :
Originellement, l’EFRAG avait proposé que l’ensemble des normes universelles ESRS soient dotées d’un caractère obligatoire. Toutefois, pour éviter les coûts associés à la publication d’informations non pertinentes, la Commission Européenne a préféré laisser le soin aux entreprises de décider elles-mêmes si les informations à communiquer sont pertinentes dans leur situation particulière.
Ainsi, seule la norme ESRS 2 transverse (“Informations générales”) est obligatoire. Pour les autres, les entreprises doivent déterminer au cas par cas quelles informations déclarer en fonction des résultats de leur analyse de double matérialité.
Pour rappel, l’analyse de double matérialité constitue le socle du nouveau reporting de durabilité. Son objectif est de permettre à chaque entreprise d’identifier et de hiérarchiser les problèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance les plus importants pour elle et ses parties prenantes. Le concept de double matérialité implique d’analyser deux types de matérialité :
⚠️ Attention : Pour l’ESRS E1 relative au changement climatique, la charge de la preuve est inversée : l’entreprise doit prouver qu’elle n’est pas concernée par le sujet climatique si elle fait le choix de ne pas communiquer d’informations. En pratique, on peut donc considérer que cette norme sera (par défaut) obligatoire, aucune activité économique ne pouvant se vanter d’une totale absence d’impact sur le climat. On peut également en déduire que la réalisation d’un bilan carbone (sur les 3 scopes) sera obligatoire pour toutes les entreprises concernées par le reporting de durabilité.
"Il faut voir les normes ESRS comme un manuel à disposition des entreprises, et non comme un formulaire exhaustif dont il faudrait cocher les cases. L'approche par la matérialité, c'est-à-dire par l'importance relative des sujets, laisse beaucoup de place au jugement des dirigeants, et la consultation pertinente de leurs tiers. Utilisées à bon escient, ces normes sont un facilitateur de changement. "
Pauline Roulleau - cabinet Ici&Demain
Les normes ESRS entreront en vigueur de manière progressive à compter de 2024, conformément à l’échéancier établi par la directive CSRD :
Pour alléger en partie la charge des entreprises, la Commission Européenne a néanmoins prévu un certain nombre d’allègements et une progressivité concernant la nature des informations à déclarer, au moins pour les premières années de reporting. Pour la norme ESRS E1, il est ainsi prévu :
L’acte délégué relatif aux normes ESRS fait actuellement l’objet d’un examen par le Parlement européen et le Conseil. Si les deux instances valident le texte, les normes ESRS entreront en vigueur dès le 1er janvier 2024.
D’ici le 30 juin 2024, ce premier cadre sera complété par des normes sectorielles applicables aux grandes entreprises opérant dans un secteur donné. Des normes spécifiques seront établies pour les PME cotées et pour les entreprises non européennes.
À noter que l’EFRAG élabore également des normes facultatives pour les PME non cotées, qui peuvent recevoir des demandes d’informations en matière de durabilité par leurs clients, investisseurs ou autres parties prenantes.
Les normes ESRS constituent un changement majeur dans la mesure où elles renforcent considérablement les exigences déclaratives des entreprises soumises au reporting extra-financier.
Il est essentiel de s’y préparer en amont en se familiarisant dès à présent avec le contenu de ces différentes normes, la réalisation de l’analyse de double matérialité et les différentes exigences de divulgation. La réalisation d’un Bilan Carbone constitue, par exemple, un exercice-clé à effectuer pour se conformer aux exigences requises au titre de l’ESRS E1.
Ce nouveau reporting de durabilité doit être avant tout perçu comme un levier stratégique pour la performance des entreprises concernées. Les nouvelles normes ESRS permettent, en effet, d’aller vers davantage de transparence afin de répondre aux attentes toujours plus fortes de leurs parties prenantes et notamment des investisseurs.